Prenez du recul

Nous avons constaté, depuis quelques jours, la délectation des journalistes à titrer: "c'est officiel, les femmes sont plus intelligentes que les hommes". Si cela vous avait échappé, voyez par exemple ici, là ou là.

Nous n'avons aucunement l'intention de discuter de la vérité (qui plus est, supposée "scientifique"!) de cette affirmation grotesque, bien significative de l'obsession quantitative de notre époque.

Nous ne tenterons pas non plus de définir ce qu'est l'intelligence, même s'il nous soupçonnons qu'elle doit être fort différente de ce que mesurent les tests de QI, c'est à dire l'aptitude à exécuter de façon performante une série de numéros de singe savant.  

Nous n'insisterons pas non plus sur l'ambiance extrêmement androphobe qui se dégage des jubilations journalistiques occasionnées par la nouvelle, car nous y sommes habitués et résignés depuis longtemps. Sale temps pour le mâle blanc, adulte, catholique, hétérosexuel et de droite...

Nous voulions juste souligner que, depuis que les tests de QI existent, nous n'avions encore jamais eu droit à un seul titre fanfaronnant: "c'est officiel, les hommes sont plus intelligents que les femmes". Alors que c'était bien ce que montraient les résultats des tests depuis toujours.

Notre galanterie nous perdra.

Heureusement, si nous voulons remonter la pente (et c'est bien ce que nous voulons, n'est-ce pas?) nous savons ce qu'il nous reste à faire: participer davantage aux tâches ménagères.

C'est en effet la "double journée" des femmes qui est avancée comme explication de leur intelligence supérieure.

Si nous avions mauvais esprit, nous éclaterions de rire.

Heureusement ce n'est pas notre cas.

Nous méditons plutôt sur les génies dont nous sommes privés depuis le début de l'histoire de l'humanité, à cause de notre mentalité patriarcale arriérrée et de nos minables tendances phallocrates.

Nous pouvons seulement deviner à quelles hauteurs se serait hissé Shakespeare s'il avait un peu plus fait la vaisselle, sur quels Hymalayas littéraires Balzac aurait culminé s'il avait préparé le biberon plus souvent (il aurait pu commencer par faire des enfants, d'ailleurs), ou depuis quelles cîmes Cioran aurait désespéré s'il s'était un peu épilé le maillot.

Nous sommes inconsolables, et coupables.

Avec ces élections qui n'en finissent pas, depuis des mois et des mois, nous subissons tous, dans la vie courante, dans notre entourage, au travail ou autre, la corvée des discussions politiques, de façon plus ou moins fréquente.

C'est pour nous l'occasion, sans cesse renouvelée, de nous étonner à la fois du sérieux et de la bêtise (en un seul mot: la lourdeur) de la majorité de nos congénères et compatriotes, tous profondément incapables de se concevoir autrement que contribuables et compétitifs. La quasi totalité des gens sont incapables de penser par eux mêmes, et en sont réduits à un panurgisme plus ou moins télé-guidé (en deux mots).

C'est donc avec plaisir que nous sommes tombés aujourd'hui sur un magnifique texte d'Octave Mirbeau, intitulé "La grève des électeurs", dont voici quelques morceaux choisis:

"Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu'ils se regardent et se disent : « Je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la société moderne."

"Comment peut-il arriver qu'il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles cavernes des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l'y oblige, sans qu'on le paye ou sans qu'on le soûle ?"

"À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d'une volonté, à ce qu'on prétend, et qui s'en va, fier de son droit, assuré qu'il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu'il ait écrit dessus ?... Qu'est-ce qu'il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ?"

"Qu'est-ce qu'il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l'assomment, il faut qu'il se dise et qu'il espère quelque chose d'extraordinaire que nous ne soupçonnons pas. Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité (...), à des promesses de bonheur futur et de soulagement immédiat. Et c'est cela qui est véritablement effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies."

"Il ne peut arriver à comprendre qu'il n'a qu'une raison d'être historique, c'est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point."

"Ne va pas t'imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd'hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c'est-à-dire qu'ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n'as rien à y perdre, je t'en réponds ; et cela pourra t'amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d'aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe."

Connaissez-vous Francesca Minerva? Regardez comme elle a l'air cool.

Philosophe et médecin de l'éthique (lol) à Oxford, cette personne vient de publier un article dans le British Medical Journal, où elle demande la légalisation de l'assassinat des bébés. Non, vous ne rêvez pas.

Avec l'avortement de masse (200000 par an en France, depuis plus de 30 ans), on était au bord du gouffre. Heureusement, on va faire un grand pas en avant.

On savait que les sciences "dures" (mathématiques, physique, chimie...) étaient en progrès constant, pour le plus grand bonheur de l'humanité. On découvre aujourd'hui que les sciences "molles" (philosophie, éthique médicale...) n'ont pas chômé et qu'elles sont fermement décidées à faire notre bonheur elles aussi.

Au terme d'un rapide coup d'oeil sur internet, on a l'impression de se réveiller avec une violente gueule de bois (mais sans avoir picolé la veille). On découvre que cela fait déjà de nombreuses années que l'éthique médicale a progressé à toute allure, et qu'il ne restait plus qu'à nous mettre au courant, nous les cons moyens, de la manière dont le bétail humain sera désormais traité.

C'est ainsi qu'on apprend que cela fait déjà quelques dizaines d'années que des gens très sérieux, très intelligents et très bien payés réfléchissent à tout ça. Par exemple Tristram Engelhardt, ou Peter Singer. Et vous imaginez bien que ce ne sont pas des trous du cul comme vous et moi qui allons leur tenir tête deux minutes.

Selon ces experts en vérité vraie, les critères a examiner pour savoir si on peut tuer quelqu'un sont les suivants:

- est ce que le machin que vous voulez tuer est à la fois conscient et autonome? (si non, vous pouvez y aller)

- est ce que le machin a l'air de souffrir (si oui, vous pouvez y aller)

On comprend mieux pourquoi Jacques Attali nous expliquait dans son livre "Une brève histoire de l'avenir" qu'il était souhaitable d'euthanasier toutes les personnes de plus de 60 ou 65 ans (sauf lui). M. Attali étant le principal expert en vérité vraie sur le marché français, il était déjà au courant des dernières avancées de la science! Et dire que nous lui prêtions de mauvaises intentions! Ingrats que nous sommes...

Superbe article aujourd'hui sur le site du Réseau Voltaire. En résumé:

- 18 français (a priori tous des militaires appartenant de près ou de loin à la DGSE) sont actuellement prisonniers en Syrie

- Si Sarkozy reconnaît qu'ils ont été envoyés là bas pour participer à l'opération de déstabilisation du régime syrien, ils seront considérés comme des prisonniers de GUERRE

- Sinon, ils seront considérés comme des civils (étrangers) et risqueront une condamnation à mort (puisqu'ils ont soutenu des groupes armés qui attaquent le régime Assad)

- Il y aura donc des négociations secrètes qui aboutiront au versement d'une forte somme d'argent à la Syrie

- Selon le réseau Voltaire, cette situation serait susceptible de justifier la traduction du président Sarkozy devant la Haute Cour de justice.

Vendredi 13 janvier, un événement extraordinaire a eu lieu: le naufrage du navire Costa Concordia sur l'île de Giglio, au large de l'Italie.

Tout de suite, il y a quelque chose qui paraît aberrant dans cette affaire. Il n'y a qu'à regarder la photo. Comment est-il possible qu'il y ait eu des morts (une trentaine, en comptant les "disparus" dont on n'a pas retrouvé le cadavre) dans cet accident, alors que le navire n'a pas coulé?

L'explication, ce sont probablement des scènes de panique collective. Evidemment, nous ne pouvons pas le prouver, mais jusqu'à nouvel ordre c'est la meilleure hypothèse pour expliquer un tel nombre de morts.

Ces gens sont votre famille, vos amis, vos voisins, vos collègues de bureau. Vous. Et ils se sont subitement transformés en meute humaine qui piétine tout sur son passage. Alors que le rivage était à 25 mètres. Et qu'il aurait suffi d'attendre tranquillement quelques heures sans rien faire.

Est ce que la présence du capitaine, Francesco Schettino, accusé d'abandon de navire, aurait permis de mettre de l'ordre dans tout ça? Nous nous permettons d'en douter (cela dit, ce n'était pas une raison pour partir, cela va sans dire)

Mais le naufrage du Concordia est surtout intéressant sur le plan symbolique. Cet événement matérialise une analogie remarquable avec l'actualité européenne. Car le 13 janvier, jour du naufrage, était aussi le jour où 9 pays européens, dont la France, ont été punis par l'agence de notation Standard & Poor's, qui a dégradé la note de leur dette souveraine... un "naufrage" financier, qui survient à l'issue de tout un cinéma qui dure depuis des mois (souvenez vous par exemple de la saga de la dette grecque). Cinéma dont le but est de renforcer le pouvoir des institutions supranationales, notamment européennes, et d'affaiblir encore davantage les Etats nationaux.

La concorde, c'est "l'union des esprits et des coeurs", "la bonne intelligence entre des personnes". Le naufrage du Concordia le vendredi 13 janvier, représenterait alors l'entrée de l'Europe dans une période de discorde. Fait supplémentaire qui vient renforcer cette impression de commencement d'une nouvelle ère, le 13 janvier était le dernier jour de l'année 2011 dans le calendrier Julien, qui est notamment celui de l'Eglise chrétienne orthodoxe.

Enfin, le Costa Concordia a servi de décor à un film de Jean-Luc Godard, sorti en 2010, intitulé "Film socialisme". Et l'Europe est justement le sujet du film. Malheureusement, c'est un truc d'intello. Rien que la bande annonce, on s'ennuie terriblement, et on ne comprend rien, mais comme il y a marqué Godard on n'ose pas dire qu'il n'y a rien à comprendre. Cela dit, on se sent autorisé à ne pas regarder le film.

C'est peut-être ça, l'Europe. On a vu la bande annonce, ça a l'air naze. Alors ne nous sentons pas obligés de nous taper le film en entier.